Emmanuel

Emmanuel était couché de tout son long sur la méridienne installée dans un salon de l’Elysée. Un jeune homme quasiment nu portait à la bouche de son maître une grappe de raisin. Le jus des grains coulait sur la commissure des lèvres d’Emmanuel. Un autre tout aussi nu le lui essuyait avec une délicate serviette en lin. Un troisième giton déposait sur les lèvres du président un calice évasé et ciselé empli d’un vieux Sauterne conservé dans les caves du palais et au goût fabuleux.

-Et y croivent que j’vais lâcher tout ça et démissionner ! Les cons, se disait Emmanuel.

Il pensait en un français très approximatif. Depuis longtemps il préférait cet anglais parlé à l’international qui, grâce aux peu de mots à disposition, limitait les concepts à leur plus simple expression. C’était pour lui largement suffisant. Il était bête comme ses pieds mais jouisseur comme pas un.

-La vieille folle est couché, s’exclama un serviteur d’Emmanuel en ouvrant la porte.

Il parlait de Brigitte mais pour mieux se faire comprendre il claudiqua de manière caricaturale et s’écrasa sur une bergère négligemment située dans un coin de la pièce. Son imitation de « la vieille folle » fit rire tout le monde.

-Tu me fais vraiment marrer, Julius, lui dit le président. Depuis le début il donnait des prénoms à l’antique à ses amants pour, disait-il, faire plus chic.

-Oui trop drôle, s’écrièrent alors les autres pour mieux complaire à leur patron.

Bref, cette soirée se déroulait hier soir comme tant d’autres s’étaient déroulées depuis 2017. Bientôt, vers 2 ou 3 heures du matin, après un rail de coke, Emmanuel passerait des appels téléphoniques à quelques représentants de l’état profond français et quelques influenceurs venus de milieux interlopes. Il ne faisait pas la différence et suivait les conseils des uns ou des autres selon son humeur et son intérêt.

Le président savait qu’il ne quitterait pas son job. Il userait tous les premiers ministres possibles et imaginables. Il ferait même des élections législatives. Il organiserait même, s’il le fallait, des référendums. Mais il resterait jusqu’au bout, quitte à incendier Rome, euh, Paris, et laisser derrière lui un champ de ruine. Le champ de ruine était d’ailleurs déjà bien avancé mais il était prêt à détruire la France entière sur l’autel de la débauche et de l’hédonisme qu’il célébrait à chaque instant.

Frédéric Le Quer

Emmanuel était couché de tout son long sur la méridienne installée dans un salon de l’Elysée. Un jeune homme quasiment nu portait à la bouche de son maître une grappe de raisin. Le jus des grains coulait sur la commissure des lèvres d’Emmanuel. Un autre tout aussi nu le lui essuyait avec une délicate serviette en lin. Un troisième giton…

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