Emmanuel et la mort du roi Pelé
La mort du roi Pelé bouleversait le monde entier et à Paris plus qu’ailleurs.
-Je veux aller au Brésil!
Emmanuel tapait du pied et hurlait dans les couloirs du palais.
-J’irai au Brésil.
Emmanuel avait pris sa décision, irrévocable malgré l’opinion de sa femme et celle de ses conseillers qui tentaient toujours de l’infléchir.
Brigitte restée très artiste, très féminine malgré son age avancé proposa:
-Envoie une jolie gerbe aux couleurs complémentaires mais néanmoins chatoyantes! Ce sera chic et de bon goût. Très français, quoi…
-Non, non et non.
Emmanuel s’exaltait:
-Je veux m’allonger nu contre le roi Pelé, inerte et majestueux, et sentir son corps d’ébène sur ma peau frémissante.
-Ne trouves-tu pas cela un peu exagéré?
-Sa formidable aura irradiera tout mon être devant les caméras du monde entier diffusant ce moment magique et je serai inspiré pour le restant de ma vie.
En aparté, un conseiller disait à un autre:
-Il est devenu fou!
Emmanuel qui, s’il était fou, n’était pas sourd, le fustigea du regard et s’écria hors de lui:
-Dehors!
Puis il continua:
-Et quand je rentrerai, je ferai venir mon ami Killian, mon très cher Killian, et nous danserons corps contre corps une salsa du démon pour faire venir à notre rescousse les dieux du football.
-Evidemment cela va être extrêmement… romantique.
C’était Alain, le directeur qui venait de parler. Il avait remplacé juste à temps excentrique par romantique. Ouf!
-Mais peut-on vraiment faire la promotion d’une telle scène? Osa-t-il douter.
-Evidemment, ce sera historique. D’ailleurs un cabinet de conseil américain me donnera les clés pour communiquer le mieux possible sur ce sujet. Je l’ai déjà appelé. Il est enthousiasmé par le challenge.
-Le cabinet demande cher?
-Evidemment mais qu’importe on réduira les droits au chômage des travailleurs licenciés d’un mois supplémentaire.
Emmanuel était sûr de lui bien que la bacchanale projetée entre Sao Paulo et Paris effrayait toujours son entourage. Alain dit:
-Je vois que tu as tout prévu. Ne crains-tu pas que quelques écolos s’inquiètent de ton emprunte carbone?
-Mais qu’a-t-on à faire de mon emprunte carbone?
Personne ne répliqua. En effet, l’emprunte carbone dans cette situation était un moindre mal. Visionnaire Emmanuel reprit:
-Et à mon retour, je descendrai sur un char fleuri les Champs Elysées touchant les écrouelles devant les gueux venus s’extasier. Le reporter de BFM n’aura pas de mots assez dithyrambiques pour décrire cette scène unique en son genre et en suivant je me ferai adouber roi pour le restant de mes jours, pour des siècles et des siècles.
Pendant ce temps, à Roissy, l’équipage montait déjà dans l’avion présidentiel.
Frédéric Le Quer
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