13 heures
13 heures. L’heure du crime. La cinquième symphonie de Beethoven. Pan! Pan! Pan! Pan! Ma grand-mère, un couteau à la main. Mon grand-père, un couteau à la main. TF1.
-Où est Jean-Pierre Pernaud? S’écrie le président de la république.
-Mais il est mort, M. Le Président.
-Non, je veux Jean-Pierre Pernaud.
-Mais…
-Mc Kinsey m’a dit que sans Jean-Pierre Pernaud, rien n’est envisageable. Rendez-moi Jean-Pierre Pernaud immédiatement! Il en va de l’avenir de la France.
-Vite, hurle Etienne Mougeotte ressuscité pour l’occasion. Trouvez-moi Jean-Pierre ou un sosie!
Emmanuel Macron suait à grosses gouttes. Il n’était toujours pas remis du binge drinking du weekend dernier intervenu trop tôt après celui de Kinshasa. Mais il avait ramené dans ses valises quelques éphèbes du continent africain et n’avait pu s’empêcher de fêter ça dans la dépravation la plus éhontée.
Enfin on dégote un Jean-Pierre Pernaud. Il est largement plus de 13 heures. Emmanuel Macron lui saute dans les bras et le serre très fort. Le revenant est gêné. Il n’est pas vraiment tsoin tsoin mais personne n’est à l’abri d’avoir un président homo et alcoolo…
De l’autre coté du petit écran, mes grands-parents en sont déjà au camembert. Leur petit verre de vin rouge est pratiquement fini. Les harengs pommes à l’huile étaient excellents. Ils n’ont pas échangé un mot depuis le début du repas. Le carillon de la buanderie sonne le quart. Il est 13 heures 15.
-Alors, demande Jean-Pierre, que comptez vous faire maintenant?
-Justement, répond le président Macron qui a potassé la question, je ne vais rien faire du tout et je vais me concentrer sur l’international, particulièrement en Afrique.
Emmanuel regarde dans le vide. Un sourire fugace traverse son visage. L’espace d’un instant il se retrouve à Kinshasa dansant joue contre joue avec un gabonais qu’il vient de rencontrer. Sa bouche s’entrouvre. Sa lèvre inférieure s’amollit. Il rêve tout éveillé.
-Comment ne rien faire? S’étonne le grand journaliste.
La question ramène le président à la réalité du moment.
-Je n’annulerai pas la réforme des retraites. Je ne dissoudrai pas l’assemblée nationale. Je n’organiserai pas de référendum. La France a un grand besoin d’inaction. J’y ai beaucoup réfléchi. La réforme concernant l’immigration est remise sine die. Je gouvernerai pour les quatre prochaines années du night club “La Caverne Endiablée” à Kinshasa en dansant la salsa du démon jusqu’au petit matin.
Jean-Pierre Pernaud qui en a pourtant vu d’autres, est totalement abasourdi par cette déclaration. Mes grands-parents aussi. Ils se regardent, haussent les épaules. Mon grand-père part dans la chambre faire sa sieste sans oublier d’éteindre le poste pendant que ma grand-mère fait la vaisselle. Strictement rien, n’est déconstruit dans le foyer sauf ce qui se passe à la télé.
A l’autre bout de la petite lucarne, sur TF1, Emmanuel Macron, plus déconstruit que lui, tu meurs, en revanche, se lève et décide de quitter le plateau. Des sondeurs demandent déjà à un panel représentatif de la population comment il a trouvé le président. Les chaînes d’info montrent en direct des scènes d’émeutes dans la plupart des grandes villes françaises. La voiture officielle d’Emmanuel Macron au milieu d’un cortège de 18 véhicules se dirige droit vers l’aéroport de Villacoublay.
La France est seule.
Frédéric Le Quer
Post scriptum
Il est minuit l’heure du crime de Maurice Carême
Minuit. Voici l’heure du crime.
Sortant d’une chambre voisine,
Un homme surgit dans le noir.
Il ôte ses souliers,
S’approche de l’armoire
Sur la pointe des pieds
Et saisit un couteau
Dont l’acier luit, bien aiguisé.
Puis, masquant ses yeux de fouine
Avec un pan de son manteau,
II pénètre dans la cuisine
Et, d’un seul coup, comme un bourreau
Avant que ne crie la victime,
Ouvre le cœur d’un artichaut.
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