La fuite de Barcelone

Les 4 Falcon gouvernementaux étaient sur le tarmac depuis la veille au soir. L’équipage vint au milieu de la nuit suivant ainsi les ordres de l’Elysée. Emmanuel et Brigitte arrivèrent les premiers au petit matin sombre et glacé. La fuite de Barcelone prenait tournure.

-Dépêchons, dépêchons! Criait le président excité et un rien compulsif en tranchant ainsi le silence que l’épaisse obscurité faisait régner.

Son chauffeur avait roulé à toute vitesse. Emmanuel était d’un naturel peureux et ne cessait de lui demander d’accélérer. Brigitte était effrayé par les deux cents à l’heure mais ne mouftait mot craignant, comme son époux, avant tout que quelques gueux affreux, sales et méchants vinssent les attaquer. Il n’était pas question que le jour se levât et qu’ils fussent encore tous deux sur le sol français.

Emmanuel sortit le premier de la voiture et courut vers son avion. Brigitte le suivait de loin, tête baissée, tentant d’accélérer son pas hésitant à cause de son arthrose. Ils avaient le temps pourtant. La contestation sociale sur les retraites mais surtout sur la vie comme elle va, ne débuterait qu’en milieu de journée. Était-on toutefois jamais assez prudent?

Pendant les quelques minutes qui suivirent le président se détendit. La fuite de Barcelone lui semblait sur de bons rails, si on peut dire quand on voyage en avion. Le commandant de bord l’avait respectueusement accueilli. Il avait été trié sur le volet. Emmanuel n’avait confiance en personne et sa paranoïa aiguë avait obligé tout son cabinet à recevoir plusieurs pilotes de ligne pour les passer sur le grill avant d’en choisir un. Pareil pour les autres membres d’équipage. Tout se passait bien grâce à cela.

Mais notre voyageur commença vite à s’énerver de nouveau.

-Que font ces idiots?

Il parlait des 11 ministres qui l’accompagnaient

-Ils dorment! Ce n’est pas possible de pareils fainéants. Les autres fois j’ai dû attendre aussi. Moi attendre? C’est insupportable!

En effet, pour la première manif des gilets jaunes, il était au Canada, pour la manif des pompiers, il était au Liban et pour la grande manif des soignants il était aux USA. Jamais là, c’était comme une devise. Emmanuel ne reviendrait que quand ce serait calmé. Il regrettait un peu que l’Espagne fût trop prêt de la France mais le gouvernement ibérique lui avait donné toutes les garanties de sécurité. Il avait aussi annulé ses vœux pour la presse pensant qu’il pouvait y avoir quelques opposants parmi ces professionnels de la communication. Ce serait surprenant, mais là aussi, on n’est jamais trop prudent.

Enfin il entendit Bruno Le Maire arrivé avec sa femme. Puis ce fut au tour des Darmanin et ainsi de suite. Chacun allait monter dans les avions qui leur étaient réservés. Ils étaient tous bien content de se barrer. A force de pourrir la vie des gens, des représailles susceptibles d’attenter à leur intégrité physique ne les auraient pas surpris. Madame Le Maire par exemple, sur les conseils de Brigitte qui elle-même s’était bien préparée, avait mis quelques lingots d’or dans son sac Hermès, un modèle Birkin plus grand que le Kelly, au cas où l’exil durerait.

Enfin, ça y est! Tout le monde était là. Des discussions sur rien et sur tout s’engageaient entre gens de bonne compagnie. Emmanuel tâtait le bras de Gérald en lui disant bonjour avant de tâter celui de tous les autres. Il était comme ça Emmanuel quand tout allait bien. Tactile. Physique. Souriant.

Les avions s’engagèrent l’un après l’autre sur la piste d’envol. Les gueux pourraient se foutre sur la gueule sans risque. La fuite de Barcelone commençait.

Frédéric Le Quer

Les 4 Falcon gouvernementaux étaient sur le tarmac depuis la veille au soir. L’équipage vint au milieu de la nuit suivant ainsi les ordres de l’Elysée. Emmanuel et Brigitte arrivèrent les premiers au petit matin sombre et glacé. La fuite de Barcelone prenait tournure. -Dépêchons, dépêchons! Criait le président excité et un rien compulsif en tranchant ainsi le silence que…

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