Quiproquo pour un speed dating
– Bonjour, vous avez 3 minutes pour me démontrer la pertinence de votre embauche dans ce job
– Merci beaucoup. D’abord c’est un métier dont j’ai rêvé toute ma vie à cause du partage, à cause de mon besoin de donner et d’aider.
– Très bien.
– Oui j’aime mon prochain. Par ailleurs sachez que je n’ai absolument pas peur du sang.
– Mieux vaut en effet même si cela n’arrive pas tous les jours
– Ah? Je croyais que c’était un peu la base du métier
– N’exagérez pas! Même si ce n’est pas la majorité, de nombreuses journées se sont passées dans le plus grand calme.
– D’accord mais l’exigence de soins reste certainement bien réelle?
– En attendant les pompiers ou police secours, oui; mais je ne veux pas que nous tombions dans la stigmatisation d’une population qui par ailleurs apporte énormément à la France
– Oui, oui, évidemment bien sûr! Mais pourquoi attendre les pompiers ou police secours? Ne sommes nous pas là pour ça?
– Non, non. Vous m’agacez un peu maintenant. Notre fonction première est d’enseigner, voyons!
– Même à l’hôpital?
– Comment ça “même à l’hôpital”?
– Ben…
– Voyons cherchez-vous oui ou non un poste comme enseignant en histoire, ou en français, ou en sciences naturelles ou en mathématiques?
– Mais pas du tout! Je viens pour le poste d’infirmier.
– Ah! Monsieur, il s’agit d’une grave erreur et vous faites perdre son temps à un fonctionnaire de la république. Le professorat est ici notre raison d’être.
– Excusez-moi! Je suis confus. J’ai dû me tromper de porte. Mais dans le fond, mes qualités peuvent tout à fait me porter vers l’enseignement, la transmission du savoir. Quelle noble tâche!
– D’accord mais soyez clair! La médecine c’est la porte en face.
– Ecoutez, il nous reste encore un peu de temps et je décide maintenant, face à vous, de changer d’orientation professionnelle pour entrer dans ce beau ministère qui est celui de l’éducation.
– Alors, je vous félicite. Pap N’Diaye, notre maître à tous, cet immense universitaire que le monde entier nous envie, sera heureux de vous recevoir dans cette grande maison.
– Et bien c’est d’accord. Pensez-vous qu’il y a des choses que je doive savoir d’ici la rentrée?
– Non, absolument pas! Vos matières à enseigner seront de toute façon décidées au dernier moment. Et puis franchement, ce qu’il y a de bien avec notre public, nos élèves, c’est qu’ils ne sont guère exigeants.
– Oui je me doute qu’ils ne savent pas grand-chose.
– Exactement, en général ils sont complètement ignares et le restent longtemps.
– Ahahah!
– Disons qu’il s’agit plutôt d’une garderie que nous mettons en place pour septembre.
– Ça me va parfaitement.
– Alors cher collègue je vous dis à très bientôt. Vous recevrez dans quelques temps le lieu de votre affectation.
– Et bien je suis très content. En quelques secondes j’ai changé de voie professionnelle et j’en suis ravi.
– L’avenir est aux gens qui savent se décider vite.
– Alors au revoir Monsieur. Oh, j’oubliais… Comment devrais-je m’habiller pour la rentrée?
– Une djellaba et ce sera parfait. Vous serez en Seine Saint Denis.
– Entendu! A bientôt!
Après le speed dating, l’examinateur, en aparté: “Encore un que j’ai piqué au ministère de la santé! Mes chefs vont être contents. A moi la prime de recrutement!”
Frédéric Le Quer
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